La durabilité n’est plus un simple mot à la mode : elle est aujourd’hui un moteur essentiel du progrès économique, social et environnemental. Pour les marques, adopter une démarche ESG ne se limite plus à des ajustements opérationnels ou à des initiatives isolées; il leur faut une approche globale capable de répondre aux enjeux systémiques. Le contexte socioéconomique l’exige : 2025 s’inscrit parmi les années les plus chaudes jamais enregistrées à l’échelle planétaire, tandis que les tensions géopolitiques avec les États-Unis s’intensifient et que la crise de santé mentale, en constante progression, plonge les Canadien·nes dans un tourbillon qui semble sans fin. Nous nous demandons toutes et tous ce que nous pouvons faire pour inverser cette tendance. Un tel contexte impose aux entreprises d’adopter une communication d’impact ESG à la fois réfléchie dans son approche et profondément ancrée dans l’authenticité.
Les consommateur·trices d’aujourd’hui ne se tournent plus uniquement vers leurs représentant·es politiques pour exiger du changement. Selon l’étude La régénération monte de VML, 86 % d’entre eux et elles attendent désormais des entreprises qu’elles jouent un rôle déterminant dans la résolution de défis tels que les changements climatiques et l’injustice sociale. De plus, 70 % se déclarent prêtes à transformer radicalement leur mode de vie si cela peut contribuer à lutter contre la crise climatique. Avant tout, les consommatrices et consommateurs privilégient des produits ou services responsables, acceptant d’y consacrer un budget supérieur. Dans ce contexte d’exigences élevées, les marques se doivent de faire preuve de proactivité dans leur communication et d’être plus transparentes que jamais. Ce n’est plus envisageable de faire autrement.
Mais comment une marque peut-elle s’adresser à ses consommatrices et consommateurs lorsque sa transformation durable est encore en cours ou que ses résultats restent en deçà des objectifs fixés? Et comment réagir si la marque se voit accusée d’écoblanchiment, c’est-à-dire de formuler des allégations fausses ou trompeuses à propos de ses engagements environnementaux? Un tel scénario expose désormais l’entreprise non seulement à une réaction négative du public, mais également à des amendes gouvernementales depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-59. Devant la difficulté croissante de communiquer sur la durabilité sans risquer la controverse, beaucoup de marques préfèrent garder le silence, alimentant ainsi le phénomène du green hushing (mutisme stratégique).
Bien que les craintes de répercussions soient compréhensibles, l’absence de prise de parole comporte des enjeux majeurs. Pour inspirer le changement, il faut que les gestes soient visibles. Communiquer avec transparence permet aux consommatrices et consommateurs de voir où en est l’entreprise, qu’elle soit à l’avant-garde ou non. À l’inverse, l’absence d’information ouvre la porte à toutes sortes d’interprétations et fragilise la confiance. Alors, par où commencer?
Éviter l’écoblanchiment demeure un enjeu fondamental de toute prise de parole sur la durabilité. Oui, cela implique de faire plus attention au discours tenu, mais préserver la confiance des consommatrices et consommateurs et éviter les conséquences négatives sur la réputation vaut largement l’effort supplémentaire. Toutefois, l’écoblanchiment n’est pas le seul écueil à éviter : il existe d’autres types de « blanchiment » (washing) à garder en tête au moment de communiquer ses engagements ou résultats :
Mettre en avant la lutte contre le cancer du sein ou les droits des personnes 2SLGBTQIA+ à des fins marketing, sans véritable engagement envers ces causes. Par exemple, apposer des rubans roses ou des drapeaux arc-en-ciel dans la publicité, sans relation authentique avec les communautés concernées.
Minimiser ou passer sous silence des aspects négatifs de l’histoire, de la culture ou d’événements, en particulier en ce qui concerne les questions raciales ou ethniques. Ce terme peut également être utilisé dans un sens plus large pour décrire les tentatives visant à dissimuler des actes répréhensibles ou à proposer une version des faits plus avantageuse que la réalité.
Exploiter de façon opportuniste des causes sociales ou sociopolitiques dans un but marketing, sans engagement authentique ni changement structurel à l’interne. Cela se manifeste, par exemple, lorsque des entreprises effectuent des dons ou publient des déclarations publiques sans transformer leurs propres pratiques ni s’attaquer concrètement aux enjeux sous-jacents.
Mettre en avant la sensibilisation au handicap ou l’appui aux droits des personnes en situation de handicap dans une optique purement marketing, sans engagement réel pour favoriser l’inclusion ou l’accessibilité. Par exemple, apposer le ruban violet dans une communication sans adapter ses infrastructures ni lutter contre la discrimination dans le processus de recrutement.
Commercialiser des produits comme étant végans ou sans cruauté animale sans s’attaquer aux enjeux éthiques ou environnementaux plus larges, comme les conditions de travail, l’approvisionnement non durable ou les émissions de carbone. Cela peut se traduire par un étiquetage trompeur ou un marketing qui met en avant le bien-être animal sans tenir compte de considérations éthiques plus vastes.
Aucune entreprise n’est parfaite, mais chaque avancée significative vers la durabilité mérite d’être soulignée, aussi bien à l’interne qu’auprès du public. La durabilité est souvent un parcours long et complexe, d’où l’importance de célébrer les étapes franchies et d’impliquer les client·es à chaque phase du chemin parcouru.
Les entreprises doivent se poser trois questions essentielles avant de parler de leurs initiatives en matière de développement durable :
Que pouvons-nous dire?
Dans quelle mesure pouvons-nous le dire?
Comment devons-nous le dire?
En suivant ces principes directeurs, les communications devraient correspondre aux attentes des consommatrices et consommateurs tout en restant fidèles à l’image de marque. Cependant, chaque étape nécessite de prendre en compte de nombreux facteurs.
Faire preuve d’exactitude : Pour éviter le « blanchiment », il faut d’abord savoir ce que l’entreprise fait de bien et ce qu’elle doit améliorer à chaque étape de la chaîne de valeur. Appuyez-vous sur des faits vérifiés, puis clarifiez les mesures qui sont activement mises en œuvre par rapport à celles qui sont prévues pour l’avenir. Peu d’entreprises ont un contrôle absolu sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Au lieu de parler de votre impact avec des déclarations vagues et générales, communiquez en détail les mesures spécifiques que vous prenez. Par exemple, expliquez comment le produit est conçu avec du coton biologique certifié OEKO-TEX® plutôt que de le qualifier simplement de matériau écoresponsable. Dans le même ordre d’idées, il est plus pertinent de préciser qu’une collecte de fonds annuelle a permis à 1 000 enfants issus de milieux défavorisés de pratiquer un sport récréatif, plutôt que de se contenter d’affirmer que l’entreprise «outient des enfants dans le besoin ».
S’appuyer sur les standards de l’industrie : Pour toute déclaration, il est essentiel de vous appuyer sur des normes et des référentiels reconnus, afin de renforcer la confiance des consommatrices et consommateurs. Si votre entreprise s’engage dans une démarche de carboneutralité, par exemple, basez-vous sur des données vérifiables et scientifiques, telles que celles de la Science Based Targets initiative (SBTi). En cas de doute sur la validité des pratiques en place, il ne faut pas hésiter à faire appel à des expert·es externes ou à des auditeurs indépendants pour garantir la crédibilité des engagements formulés. De nombreuses organisations spécialisées sont habilitées à distinguer un véritable engagement durable d’un simple cas d’écoblanchiment.
Organiser un pré-mortem : Avant de toute prise de parole, anticipez tous les scénarios où le message pourrait prêter à confusion ou poser problème. Analysez la façon dont chaque déclaration pourrait être mal comprise, critiquée ou remise en question. Mettez-vous dans la peau de consommatrices et consommateurs sceptiques, de journalistes ou même de concurrents : anticipez leurs questions et leurs doutes, et intégrez des réponses claires à ces enjeux dans votre communication. Prévoyez également des questions-réponses pour permettre à votre équipe de réagir rapidement et efficacement aux questions.
Toutes les entreprises ne sont pas au même stade de maturité en matière de durabilité. L’essentiel est d’aligner la portée de la communication sur la réalité et la profondeur des actions menées à l’interne.
Pour faciliter la compréhension des différents indices de maturité, LG2 a élaboré une échelle non scientifique destinée aux marques, qui illustre les diverses approches possibles en matière de pratiques durables.
Au premier palier de maturité, on trouve les stratégies de réactivité, qui sont des initiatives uniques et des projets ponctuels souvent mis en place en réponse à une urgence ou à une pression du marché, sans réelle intégration de la durabilité au cœur du modèle d’affaires. À l’opposé, à la phase de maturité ultime (régénération), les entreprises incarnent un degré d’engagement maximal : la création d’impact durable oriente l’ensemble de leur stratégie d’affaires, et les critères ESG sont pleinement intégrés à l’ensemble du modèle organisationnel.
Le positionnement de l’entreprise sur cette échelle permet d’ajuster à la fois la fréquence et l’ampleur des communications ESG. Comme principe directeur, mieux vaut toujours calibrer la communication en fonction de la portée réelle des actions concrètement menées par l’organisation. Si une initiative ne représente que 1 % de l’impact réel d’une marque, il n’est pas justifiable qu’elle occupe 80 % du discours public. À l’inverse, une entreprise qui aspire à se positionner comme leader d’opinion sur les enjeux de durabilité doit faire de cet engagement un pilier de son modèle d’affaires et l’intégrer profondément à sa chaîne de valeur.
Au-delà du message lui-même, les marques doivent également tenir compte des modalités de production et de diffusion de leurs communications. Cette approche s’ancre dans les principes du design responsable, invitant à aller plus loin que les bonnes pratiques classiques pour intégrer une réflexion sur les impacts écologiques, sociaux et économiques associés.
Si la première impulsion écologique consiste souvent à réduire l’usage du papier au profit du numérique, il faut se rappeler que les sites web ont eux aussi une empreinte carbone, et que celle-ci peut parfois dépasser celle des communications imprimées. Par exemple, lorsqu’une entreprise souhaite ajouter un rapport d’impact à sa plateforme de commerce en ligne, il est essentiel de veiller à ce que son design et son hébergement n’entraînent pas une hausse inutile des émissions. Il existe aujourd’hui de nombreux calculateurs carbone permettant d’évaluer l’empreinte environnementale d’un site web. Il est tout aussi essentiel de s’assurer que la plateforme intègre des options d’accessibilité, telles que le mode sombre ou la compatibilité avec les lecteurs vocaux. Les meilleures communications numériques allient ainsi performance technique et responsabilité sociale.
Une communication durable, menée avec justesse, peut générer des transformations profondes, tant à l’échelle de la société qu’auprès des client·es. Lorsqu’elle est bien orchestrée, elle renforce la conviction des consommatrices et consommateurs que la marque est en phase avec leurs valeurs, tout en illustrant l’authenticité des engagements des détaillants. Chacun et chacune a le pouvoir de voter avec son portefeuille; c’est aux entreprises qu’incombe la responsabilité de rendre ce choix porteur de sens pour un avenir plus durable.