De plus en plus d’entreprises s’intéressent donc aux initiatives pour verdir le web, dont l’écoconception numérique, une méthodologie visant à produire des sites à faible empreinte carbone. Malheureusement, celle-ci survit rarement à une première analyse : en effet, le respect intégral de cette méthodologie n’est pas toujours performant ou réaliste, ce qui ralentit inévitablement son adoption.
Pour accélérer un changement plus que nécessaire, une autre philosophie nous semble plus prometteuse : le design numérique responsable. Cette approche, qui emprunte au développement durable, a facilité davantage de discussions avec une variété d’organisations, car elle se montre plus englobante, tout en restant flexible et modulable en fonction des besoins et des ressources disponibles.
Plutôt que de viser la perfection, le design numérique responsable cherche à avoir un impact positif plus large, en considérant les effets d’une propriété numérique sur trois volets plutôt qu’un seul :
— environnemental
— social
— économique
Tour d’horizon.
Vous en doutez? Plusieurs outils existent pour estimer la cote environnementale des sites. Cet exercice, d’abord ludique, devient rapidement gênant – difficile de concevoir que quelque chose d’aussi intangible qu’un site web puisse être aussi environnementalement gourmand.
Internet est le plus grand consommateur de charbon… au monde. Notamment, les centres de données et les serveurs consomment énormément d’eau et d’énergie, majoritairement issue des combustibles fossiles.
Paradoxalement, les évolutions tendent à être plus énergivores, pas moins. Plus le traitement de données est rapide et plus les outils pour créer des contenus haute qualité sont accessibles, plus les pages deviennent lourdes. Entre 2013 et 2023, par exemple, le poids moyen des pages web a plus que doublé.
L’intelligence artificielle, comme ChatGPT-3, est particulièrement vorace : une seule de ses séances d’entraînement équivaudrait à parcourir 700 000 km en automobile.
Ces évolutions entraînent aussi une obsolescence rapide des appareils, créant un problème croissant de déchets numériques. D’où l’apparition de techniques pour verdir le web, dont l’écoconception numérique, qui vise à produire des sites à faible empreinte carbone.
En soi, l’exercice est extrêmement louable. L’écoconception numérique (à tort confondue avec le design responsable, possiblement à cause de sa dénomination anglaise sustainable web design) vise à créer des sites légers, s’approchant autant que possible d’une cote énergétique de A ou A+.
Ceci exige, grosso modo :
Pour y arriver, un tel site doit solliciter un faible transfert de données. Ceci exige la réunion de plusieurs facteurs et une priorisation de cet objectif à chaque étape de la conception.
Un allègement des composantes graphiques : Les contenus visuels sont parmi les plus énergivores. On doit donc soumettre toute intégration de photos à une stricte évaluation de pertinence et utiliser des méthodes de compression additionnelles, ou carrément opter pour un design illustratif et des fichiers vectoriels, beaucoup plus légers que les fichiers d’images. Toute intégration de fichiers vidéo ou audio, ou encore de fils RSS est à proscrire, vu leur très grande consommation d’énergie (les animations vectorielles sont toutefois acceptables). Même le choix de couleurs a un impact : selon une étude de Google, « l’utilisation du mode sombre [...] consommerait entre 30 % et 65 % moins d’énergie que le mode clair, [...] et le bleu consommerait 25 % plus d’énergie que le vert ou le rouge. »
Un allègement du code : Un code plus léger, sans duplications, lignes et scripts inutiles, permet de réduire le temps de serveur nécessaire pour télécharger le site – et produit donc moins de CO2. Outre les techniques de minimisation du code, on doit donc questionner le recours à des scripts tiers (dupliqués mais non optimisés) et à des scripts de tracking, populaires depuis que l’accès aux cookies tiers est restreint, mais lourds.
On vise aussi à éviter une demande énergétique inutile, par exemple à l’aide d’une pré-génération statique, qui ne sollicite pas les serveurs à chaque utilisation, mais plutôt uniquement à chaque modification du site, ou de techniques comme le lazy loading, où un élément (par exemple, une animation) n’est pas téléchargé par défaut, mais plutôt au bout d’un certain défilement de la page.
Pour qu’un site ait une faible empreinte carbone, l’énergie utilisée par ses hébergeurs doit être de source renouvelable. Or, l’offre n’est pas à maturité. Les hébergeurs « verts » sont encore peu nombreux et leurs fonctionnalités, leurs performances et leurs garanties de sécurité sont encore limitées. De plus, leur accès aux énergies renouvelables est inégal. Certains ont donc plutôt recours à des mélanges énergétiques (souvent non divulgués) ou à des techniques de compensation, comme l’achat de crédit carbone, une méthode qui est certainement « mieux que rien », mais que l’on considère comme un dernier recours. Leurs prix peuvent également être prohibitifs pour de très petites entreprises au portefeuille serré. Devant ce tableau, plusieurs organisations pourtant intéressées à changer les choses se découragent : les contraintes sont sévères et l’idéal d’un site à faible empreinte carbone est tout simplement inatteignable pour plusieurs d’entre elles.
Plutôt que de baisser les bras, le fait d’outiller les chef·fes de projet de ces entreprises pour opérer des transformations à l’échelle de leurs capacités a donné lieu à des discussions beaucoup plus productives. Force est de constater que si l’industrie du numérique doit entreprendre des changements vigoureux, dès maintenant, une approche plus stratégique s’impose.
Un produit numérique n’a pas seulement un impact sur l’environnement. Ses effets (positifs et négatifs) sont également humains et économiques. Le design numérique responsable propose donc de considérer l’impact d’un écosystème numérique sur ces trois volets, et d’exiger un impact positif net, ou du moins une amélioration, sur chacun. Ceci a l’avantage d’élargir l’impact que peuvent avoir nos produits numériques dans nos sociétés. Notons aussi que le design numérique responsable ne considère pas seulement les sites conçus par une organisation, mais peut également prendre en compte le reste de son écosystème, par exemple ses communications sur les réseaux sociaux, ses courriels ou ses initiatives de développement durable.
En plus d’être plus englobant, le design numérique responsable se veut par définition plus accessible pour diverses organisations. On y vise d’abord l’amélioration, pas « la perfection ou rien ». Si l’écoconception est parfois jugée trop contraignante, le design responsable peut, par sa flexibilité, être un meilleur moteur de changement en permettant d’accélérer l’adoption de pratiques responsables par un plus grand nombre.
Un autre avantage : une approche de design responsable peut intervenir à plusieurs moments du cycle de vie d’un produit numérique (et non juste au tout début) et faire partie d’une stratégie à long terme. Ses trois volets peuvent mobiliser vos équipes numériques dans la conception d’expériences plus responsables en leur permettant d’explorer plusieurs grandes questions pour trouver des pistes de solutions. Voici un aperçu du genre de discussions que nous pourrions avoir dans un processus de design responsable.
Nous devrons considérer les enjeux de transfert de données et d’hébergement évoqués plus haut, mais de façon pondérée, avec un filtre coût-bénéfice en fonction des autres volets. Il faudra aussi aborder la question de la cote environnementale que nous pouvons réalistement atteindre, et explorer des tactiques de mitigation pour arriver à une plateforme à impact environnemental moindre.
Cette dimension examine l’impact de l’écosystème numérique sur les gens qui l’utilisent. La question centrale : est-ce que le produit numérique est bénéfique à plusieurs types d’utilisateur·trices, incluant ceux et celles qui le maintiendront?
Ce volet mesure les retombées économiques pour l’entreprise elle-même, mais aussi pour ses partenaires et pour la société dont elle fait partie. Il faut également noter que la responsabilité économique d’un produit numérique considère non seulement l’impact immédiat, mais aussi à long terme des choix qui sont faits.
Ceci n’est évidemment qu’un aperçu : le design numérique responsable est vaste et évolue rapidement. Mais commencer par se poser les bonnes questions est définitivement le premier pas à franchir pour avancer dans la bonne direction.
Le groupe Expérience numérique de LG2 développe depuis plus de sept ans des solutions numériques robustes et captivantes pour une centaine de clients variés. Un objectif récurrent et commun, la durabilité des solutions dans le temps, est aujourd’hui teinté par l’impact environnemental croissant du numérique, qui peut compromettre cette durabilité.
Les entreprises qui souhaitent opérer un véritable virage auraient intérêt à se tourner vers le design numérique responsable plutôt que la seule écoconception numérique. Cette première approche, plus flexible et globale, vise une amélioration sur trois volets socioéconomiques, prenant en compte les différences de moyens et de possibilités entre les organisations. Elle offre des pistes d’amélioration à court et moyen termes, augmentant ainsi son potentiel d’adoption et d’impact sur l’industrie
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