Directeur de création, rappeur, collectionneur de disques... Rana Chatterjee a une vie bien remplie, mais il réussit toujours à trouver son équilibre. Son amour du hip-hop l’a mené des bibliothèques publiques de banlieue, où il empruntait des cassettes pour faire ses démos de beats, au studio d’enregistrement, où il a gravé sa voix sur vinyle sous le nom d’Arcee. Parallèlement, il se faisait les dents comme rédacteur dans certaines des agences les plus en vue de Toronto.
Bien que Rana se passionne pour le hip-hop, son côté pragmatique l’a poussé à poursuivre sa carrière en publicité. Et au cours des deux dernières décennies, il a gravi les échelons, passant de rédacteur à leader en devenant le premier codirecteur de création du bureau torontois de LG2 en 2021.
À travers tout ça, il a aussi trouvé le temps d’animer des émissions de radio, de participer au lancement de Cratery, un podcast au sujet des mixtapes inspiré du concept de potluck, et de créer Live Convention, un festival pour les collectionneurs de disques. Il a même rassemblé, dans une boîte de vinyles, les échantillons qui ont servi à Nas pour l’album Illmatic – une collection qu’il a ensuite offerte au rappeur.
Un peu comme l’art de fouiller pour trouver des disques, la créativité, pense Rana, est l’acte de chercher, plus que de trouver. Et quand rien ne vient, il change de décor en allant se promener au bord de la rivière ou en modifiant son environnement sonore.
C’est en posant l’aiguille sur l’un des milliers de vinyles de sa collection que Rana réussit à se mettre dans l’état d’esprit qu’il faut pour répondre à un brief de manière étonnante. Au fil des ans, cette façon de penser peu orthodoxe a amené Rana (et son équipe) à livrer des pizzas dans un désert post-apocalyptique pour Domino’s et à revitaliser l’identité et les ventes de la plus ancienne marque du Canada, La Baie.
Véritable caméléon créatif, Rana évite d’adopter un style figé, préférant s’adapter à ce qui sert l’idée. Il pense aussi qu’une bonne pub est souvent imprécise au début. « Il faut se laisser le droit de faire des erreurs » est une phrase qu’il répète souvent. « C’est comme ça qu’on apprend. »
Selon lui, une partie de son succès tient à son oreille avisée : qu’il s’agisse d’un disque ou d’une publicité, son jugement s’appuie sur la même réaction viscérale. Rana considère – et utilise – la musique comme un levier émotionnel. Que ce soit pour susciter la joie ou toucher une corde sensible, la musique doit résonner rapidement auprès du public.
Rana mentionne la croissance comme raison pour laquelle il revient toujours à la publicité, même dans les moments difficiles. Il est motivé par la possibilité de devenir un créatif plus solide, au fil des années passées dans le domaine. Une nouvelle piste vers la direction de création s’est d’ailleurs ouverte à lui.
Rana estime qu’il a également un rôle à jouer en tant que leader créatif d’origine indienne dans une industrie qui a mis du temps à se diversifier. Ironiquement, c’est dans la diversité que se trouve, selon lui, la plus grande force de la publicité. Il considère important que les personnes de couleur puissent se projeter dans des postes de direction – et partout dans l’agence d’ailleurs.
Qu’il s’agisse de participer à un panel publicitaire ou d’organiser un échange de disques, Rana défend l’importance de la représentation dans la créativité. Il croit fermement qu’il est de son devoir, en tant que programmateur culturel, de comprendre les gens qui composent son audience et de savoir établir un contact authentique avec eux.
Mais au bout du compte, la création est d’abord et avant tout une affaire de plaisir pour Rana. Que ce soit en réalisant un projet personnel comme Illmatic Samples, ou en écrivant un scénario qui rappelle la légèreté des pubs de son enfance, Rana choisit toujours d’avoir du plaisir.
« Si j’arrive à créer quelque chose qui éveille en toi des émotions fortes, dit-il, c’est tout ce qui compte. »
Photographies par Florence Thouin.
Rana Chatterjee, directeur de création, LG2 Toronto
